Dormir al sol: un acte de paresse

Publié le par H.

 

 Je suis quelqu'un de très paresseux donc, quant il a s'agit d'alimenter ce blog moribond, j'ai fouillé dans mes archives personnelles où j'ai retrouvé ceci.

C'est un "texte de commande" de ma soeur qui voulait travailler sur un théâtre délégué au pied. Et oui. 

Le problème est que, manquant de personnel, je me suis retrouvé à devoir jouer ce que j'avais écrit. Le texte fut enregistré sur une bande sonore après une trentaine d'essai de ma part. Et je peux vous assurer que répéter autant de fois un texte aussi déprimant a failli me rendre dingue. Ma soeur a voulu une scène où seuls sont éclairés les cinquantes premiers centimètres au dessus du sol, espace au sein duquel mes jambes (nues) executaient une sorte de "ballet", métaphore visuel additionnelle à celle verbale du texte. Quelques autres paires de jambes venaient parfois croisées les miennes, celles-là étant, à la différence celles-ci, chaussées. Ayant l'habilité corporelle d'un tabouret, l'apprentissage de cette chorégraphie fut très pénible.

Deux représentations furent faites, la deuxième dans l'atelier du "maître du théâtre délégué" selon ma soeur et dont j'ai oublié le nom. Il se montra à ma grande surprise enchanté (j'avais répété pendant un mois à ma soeur: "ce truc, c'est une catastrophe") voyant dans la scène finale où les autres acteurs enlèvent leur chaussures au sein duquel mes pieds viennent "s'endormir" une métaphore de la shoah (sans commentaire). Tout le public se prêta avec joie au même jeu délicieux du signifié du signifiant. 

D'après ma soeur, un soutien financier et personnel nous était accordé si dans les six mois nous arrivions à un projet finalisé selon les exigences du maître. Mais elle comme moi avons laissé tomber, celles-ci étant très élevés et supposant un travail considérable que je n'avais pas envie d'accomplir. 

 

Dormir al sol

 (dormir au soleil)

 

 I la Chambre

 « Cafard ? Ecrasé ? Ecrasé le cafard ? En fait, je ne déteste pas vraiment les cafards mais pour autant je les écrase ? peut-on comprendre mon absence de répulsion à l’égard de ces saloperies… car il s’agit bien de saloperies après tout… mais pourtant c’est grâce aux cafards que j’ai commencé à regarder ce qui se passait sur le sol… et c’est fou le nombre de choses intéressantes que l’on peux voir et que personne ne voit sur le sol »

  

II Métro

« J’écrase les cafards pour RIEN ?  comme un barbare ? Non, j’écrase les cafards pour réfléchir aux choses qui sont écrasés. Et là, je découvre que, scientifiquement parlant bien sûr, il n’y a que deux possibilités  pour être écrasé… voilà… soit la chose écrasé nommée X, X doit, dans la première hypothèse, être situé sur une ligne droite statique … c’est à dire le sol, l’écrasement viendra dans cette hypothèse de la rencontre de X situé sur une ligne droite statique avec une autre ligne droite mais celle-ci sera mouvante : par exemple ma pantoufle. Dans cette première hypothèse, qui est rationnellement la plus fréquente, il faut éviter, pour être écrasé d’être sur le sol. La seconde hypothèse de « situation d’écrasement » selon ma propre formule qui me semblent la plus exact d’un point de vu scientifique, c’est lorsque la chose X se trouve cette fois-ci dans le vide, j’entends pas vide le néant, le rien, le négatif... Cette fois-ci l’écrasement de X viendra de la rencontre au point X de deux lignes droites mouvantes. En plus du sol, il faut donc éviter les situations de vide et de néant…      

 

III La rue

Quel bonheur que le sol de la rue ! A quel bonheur que d’étudier les cigarettes ! Comme Archimède le bossu, je crie euréka quand mon regard et mon intelligence se portent sur les cigarettes ECRASEES…. Oui merveille… toute la palette de l’écrasement est là … C’est d’une richesse… La réflexion devient beaucoup plus subtile qu’avec le cafard… Il y a plein de sorte de cigarettes écrasées : certaines sont presque entièrement consumée et c’est la majorité… ce qui me fait penser que pour être écrasé… il faut être arrivé presque au bout de quelque chose… certaines sont mêmes complètement grillés il ne reste que le mégot… cela me fait penser qu’elle est déjà morte avant de toucher le sol… morte en l’air, écrasé en l’air si l’on veut, écrasé spirituellement parlant- l’esprit est mort, avant d’être écrasé matériellement parlant sur le sol par la semelle-le corps est mort…. Mais on trouve aussi, et ce sont les plus rares, les plus mystérieuses, les plus attendrissantes, celles qui me fascinent le plus des cigarettes écrasées alors qu’elles sont presque neuves, à peine fumé… pouvoir avoir écrasé quelquechose qui n’était pas arrivé au bout de sa fonction…

 

IV le bureau

Vous avez pu constater que je parlais tout seul, dans ma tête comme on dit, et que je pensais des choses très intéressantes alors que dans le même temps mon corps mène une activité normal me menant d’un point A à un point B par exemple de mon bureau là à ce porte manteau là. Ceux à qui je m’adresse pendant que je parle peuvent voir qu’en ce moment je suis avec quelqu’un… ils peuvent même deviner ou sentir que ce quelqu’un met supérieur … bien sûr pas en intelligence mais supérieur selon la médiocre échelle de l’entreprise où je travaille pour pouvoir rester en vie et penser. Pour vous dire la vérité, je sens que je vais découvrir quelque chose de fascinant… une troisième voie encore inexploré… ce quelqu’un  me parle de façon agressive…  il veux me faire peur… le pauvre… ne sais t il pas que je suis beaucoup plus intelligent que lui… et je sens que, oui il va me faire découvrir malgré lui quelque chose d’important… je sens comme un flux monté dans mon…

 

 -         …. Votre impertinence. Maintenant vous vous écrasez où bien il va… »

 Oh … oui… c’est cela … vous vous écrasé… oh merci petit quelqu’un… beaucoup frôle une vérité très grande et moi je l’attrape… oui et … il n’y a pas qu’être écrasé qui est possible… il y a aussi l’action de s’écraser ?… fascinant… s’écraser… être écrasé tout seul en quelque sorte ? s’auto écraser...

 

V file d’attente

S’écraser… ne plus être passif mais actif… s’écraser c'est-à-dire mincir peut être … travailler longtemps sur soi pour devenir aussi mince qu’une ligne droite, être droit et très fin… disparaître tout seul… la cigarette ne le peux pas car elle n’est pas autonome… ON l’écrase… mais…pour s’écraser, il faut toujours une ligne droite statique, il faut toujours le sol mais plus besoin d’une autre ligne droite… la vitesse suffit… le vitesse de l’objet quand elle rencontre le sol suffit… aller vite, ne plus rien contrôlé…être dans le vide, le néant comme on va s’écraser choisir un point et se lancer, courir très vite, n’importe comment… ne plus être perdu mais se perdre… être fatigué et vouloir trouver le sommeil… dormir… dormir au soleil… dormir al sol …

VI La chambre

En s’écrasant doucement sur le sol, on ne meurt pas, on ne devient pas une ligne droite,  on disparaît c’est tout …

Publié dans littérature

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